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 Présidentielles 2007 : le vote inutile

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AuteurMessage
Charles
Tribun



Nombre de messages : 75
Date d'inscription : 26/10/2004

Présidentielles 2007 : le vote inutile Empty
MessageSujet: Présidentielles 2007 : le vote inutile   Présidentielles 2007 : le vote inutile EmptyLun 23 Avr - 19:30

Les résultats tombés hier soir sont sur toutes les lèvres : on se murmure les 31 % de M. Sarkozy, les 25 % de Mme Royal, 18 % pour M. Bayrou, 11 % pour M. Le Pen... Ou bien le retour à la surprenante absence de surprise nous a-t-il déjà renvoyé à l'insoutenable banalité de notre quotidien de Français ? Le meilleur des paradoxes de cette élection est de conjuguer l'intérêt et la monotonie, l'excitation et le politiquement correct. Si le duo gagnant d'hier soir n'avait pas été celui-là, la vie politique française souffrait une gigantesque recomposition. Mais qui ne dira que la vie politique française souffre de toutes façons une grande recomposition ? Aussi, en proposant quelques réflexions sur le résultat d'hier, souhaitons-nous chercher le meilleur bien pour la France, et nous stimuler les uns les autres au meilleur choix, au meilleur engagement, à la meilleure des attitudes citoyennes. La question, hélas, que nous ne manquons pas de nous poser, malgré les soulagements d'hier soir est la suivante : et si le vote d'hier n'était pas un immense soupir de vanité ? Au vote utile exalté par les plus intéressés à sa réalisation, voilà que l'on en viendra probablement à la crainte que tout cela ne soit en somme un vote bien inutile, comme si les Français s'étaient offerts hier une occasion d'être des enfants sages, pour mieux faire payer demain le maître qui n'aura pas été à la hauteur. Redoutable scrutin !


Des électeurs dominés par le vote utile

L'abstention est faible. Nous la savons à 14 %. Cela a été remarqué, cela est remarquable. Nous ne reviendrons pas là-dessus sinon pour souligner à quel point la participation civique aux élections clarifie les résultats, les rend lisibles et non douteux, et refonde la cohérence du régime démocratique, si fragile par sa prétention à impliquer tous ses ressortissants, si impressionnant lorsqu'il y parvient.

Le point central de cette motivation est bien évidemment le vote utile. Le vote utile en faveur du candidat du Parti Socialiste, afin que le cauchemar de l'éviction de Lionel Jospin ne se reproduise pas. Mais aussi le vote utile de ceux qui ont voulu donné à François Bayrou un mandat clair contre Nicolas Sarkozy. Vote utile de ceux-même qui en ont eu assez des constats parfois percutants de Jean-Marie Le Pen, mais sans aucune perspective responsable d'exercice des responsabilités gouvernementales. Paradoxalement, il faut considérer à quel point Nicolas Sarkozy est peut-être le premier bénéficiaire du concept du vote utile. D'abord parce que les électeurs revenus du Front National ont réellement cherché à atteindre le pouvoir en votant pour M. Sarkozy. Ensuite, et nous le verrons plus loin, parce que M. Sarkozy bénéficie aussi indirectement du vote utile en faveur de Mme Royal, candidat qu'il désirait le plus ardemment affronter.

Toutefois, on oublie de souligner dans le retour aux urnes de nombreux citoyens français un autre phénomène, déjà analysé lors des primaires du Parti Socialiste. Ce phénomène est celui du nouvel apprentissage du vote par ceux qui l'avaient délaissé. Dans le cadre des primaires, beaucoup ont souligné à quel point les nouveaux militants socialistes avaient contribué à déjouer les candidats attendus. Dans cette élection, on peut assez naturellement voir que les nouveaux votes ont assez scolairement contribué à renforcer les candidats de l'UMP et du PS, sans audace particulière, et en suivant naturellement les instituts de sondage. Se forger une conscience politique prend du temps, et oser des votes plus spectaculaires a un coût, celui de l'engagement. De ce point de vue-là, il faut souligner que le vote ne préjuge en rien d'une grande espérance et d'une grande conscience politique. Il a en revanche toutes les apparences du consciencieux et du scolaire. Suffira-t-il à donner, par la quantité, un mandat clair à l'heureux élu ?


Le renouvellement des générations

Il est évident, spontanément bon, et là encore, a priori positif. Avec deux jeunes quinquagénaires, les Français peuvent se réjouir de voir deux regards d'une certaine façon forcément neufs se jeter sur le monde actuel. Mais méfions-nous du jeunisme et de ses travers. L'habit ne fait pas le moine, et Oscar Wilde nous a appris, à travers son célèbre écrit du Portrait de Dorian Gray, qu'un visage sans ride peut cacher une âme vaine.

Que craindre de la jeunesse de nos deux finalistes ? Un décrochage culturel, plus périlleux dans le cas de M. Sarkozy sans aucun doute, mais réel chez les deux. Ne pas passer son temps à ressasser les souvenirs de la Seconde Guerre Mondiale, surtout à la façon de Le Pen, est une bonne chose. Mais l'atlantisme de M. Sarkozy et le brin de populisme de Mme Royal ne sont-ils pas les signes avant-coureurs, dans une campagne qui a été marquée par l'américanisation accélérée de notre vie politique, d'une perte des fiertés légitimes que nous avions d'être attachés, en France, à une vie et à une culture politiques de fond ? Dans le cas de Nicolas Sarkozy, ne perdons-nous pas, à travers ce que l'on qualifie pudiquement d' "atlantisme", ce sens français des affaires du monde, qui n'est en rien lié à la crise politique interne, mais transcende les époques et fait l'admiration de tous ceux qui dans le monde cherchent une vision autre que la mercantilisation des esprits à l'anglo-saxonne ?

Le renouvellement des générations ne doit pas nous faire perdre de vue un autre aspect essentiel, qui est que nous avons, il est vrai, reconduit là les deux représentants d'un système politique qui a failli tour à tour pendant des décennies. Penser que l'héritière de Mitterand et le fils de Chirac ont réussi le tour de force de se faire élire pour le deuxième tour de cette élection, alors que pour la première fois, une troisième voie, non uniquement extrémiste s'offrait aux Français, restera dans l'histoire comme une de ces grandes injustices qui font naître de nouveaux hommes politiques par l'indignation. Il faudra bien que les Français aient la mémoire plus longue que le 21 avril 2002, quel que digne qu'apparaisse le résultat de ce premier tour. Ce n'est pas parce que nous avons changé de génération, que les responsabilités ont changé. Et la vie d'une démocratie, à ce que nous ont appris les Grecs, s'effondre quand les magistrats ne rendent plus de comptes à la cité. Pourvu que les actes de demain nous invitent à oublier le passé !

Les candidats et leur parti

Ségolène Royal, la mort dans l'âme

Désespérant vote utile. Nous le disons d'autant plus que Mme Royal aurait pu être dans cette campagne la révélation. Comment s'exalter à la tristesse d'un discours de soir de premier tour prononcé pendant vingt minutes à Melle, comme s'il s'agissait d'un rassemblement ordinaire, sur un ton de voix monocorde qui a tôt fait de nous faire oublier les paroles énergiques du discours de Villepinte ? Après le soulagement de ce premier tour, ne pouvait-elle nous offrir le souffle de la femme qui dit au tout-puissant mâle sarkoziste "nous gagnerons !" ?

Par ailleurs, maintenant que les choses se précisent, comment cautionner l' hypocrisie du discours "tout sauf Sarkozy" de ceux qui lui reprochent la maîtrise de toutes les instances de pouvoir ? En effet, réfléchissons : outre que personne ne voit M. Hollande prince consort, tout le monde doit réaliser qu'en cas de victoire, le Parti Socialiste disposera de la majorité à l'Assemblée, de vingt régions sur vingt-deux, de la présidence, du gouvernement, mais aussi conjuguera l'Elysée au siège du Parti Socialiste, grâce aux liens du concubinage, par lequel le conjoint du président sera le chef du premier parti... A ce stade, M. sarkozy fait office de résistant à l'invasion !

Alors oui, le vote Royal a été inutile. Tout le monde le sent, tout le monde peut le dire : M. Sarkozy part largement favori, car il avait choisi son adversaire en sa personne, et les électeurs le lui ont livré sur un plateau. Encore faut-il distinguer les militants convaincus des compétences de Mme Royal, à qui il est difficile de reprocher leur choix, des millions d'électeurs qui ont voté pour elle en faisant des calculs platement savants, politiquement corrects et trop prudents.

Nicolas Sarkozy : Pierre Laval ou Louis-Philippe ?

Un score historique, qui remonte à Valéry Giscard d'Estaing. Une indéniable superbe victoire qui force l'admiration pour qui peut apprécier un peu la politique politicienne. Il a déjà gagné l'élection. Notre Louis-Philippe de 2007 a ramassé sa couronne dans le caniveau en détrônant les légitimistes Juppé et Villepin, et en jouant sur la perspective minimaliste d'un programme purement économique, qui fait rêver des Français évidemment attachés à voir leur court terme matériel s'améliorer.

Mais les vrais problèmes viendront, comme pour Jacques Chirac au lendemain de 1995, lorsqu'il s'agira de ne pas décevoir dans l'exercice du pouvoir. Car l'espérance est aussi grande que pour le Corrézien à l'époque, aussi grande que pour l'Auvergnat en 1974. Cependant, avoir récupéré par électoralisme les thèmes frontistes sans en être convaincu oblige, et, tel Pierre Laval, politicien habile des années 1930 qui jouait l'alliance de la France avec l'Italie fasciste, le voilà avec le discours énergique d'un Duce et des mesures économiques de déflationniste, sans l'ampleur de vues nécessaire pour relever un pays lourd de son excellence ridée.

En attendant, ces contradictions sont masquées par la perspective d'une victoire large : on rêvera beaucoup, là où il faudrait plus que jamais exiger beaucoup. Perpective de victoire qui pourrait être détruite si l'hypothèse, suggérée par les services sercrets espagnols, devenait réalité d'un attentat d'Al-Quaïda à l'approche du deuxième tour, afin de briser dans son élan l'atlantisme sarkoziste aux conséquences géopolitiques incalculables de celui qui prône un "rêve français", - traduisez par "an american dream".

Jean-Marie Le Pen : en attendant Godot ou la fin du monde ?

Score historique également pour les raisons strictement inverses. Il paye là sa scission avec Bruno Mégret ainsi que ses jeux de mots sots et irresponsables. Aucune marge de manoeuvre. Ne soulignera-t-on pas que même si Jean-Marie Le Pen avait fait un peu plus qu'en 2002, il demeurait à 14-15 % le quatrième homme ? Le refus de se donner les moyens de participer au gouvernement, que cherchait Bruno Mégret, l'absence totale de stratégie aux législatives, l'obsessionnelle passivité de ceux qui n'attendent qu'une catastrophe du type de la défaite de 1940 pour prétendre à la première place, tout cela se paye aujourd'hui. Car ce n'est pas la parenthèse de 2002 qui se referme : ce score lamentable renvoie Le Pen à 1988, à vingt ans en arrière, alors qu'il est à la veille de sa retraite, avec un parti qu'il n'a jamais préparé à la relève, et qui va se diviser profondemment entre les tenants d'une ligne dure et les soutiens de Marine Le Pen, laquelle, en l'absence de vote utile comme Ségolène Royal, aura payé dur une stratégie politique qui aurait dû commencé dès le lendemain du second tour de la présidentielle de 2002. C'est une parenthèse de vingt années qui se referme.

Au mieux veut-on parler au Front National de victoire idéologique : il est vrai que faire ressortir au Parti Socialiste les drapeaux français et faire chanter la Marseillaise n'était pas gagné...Mais quelle satisfaction peuvent avoir les lepénistes de cette victoire ?
La dignité imposait à M. Le Pen de démissionner, de reconnaître ses erreurs et ses fautes, et d'appeler à voter Nicolas Sarkozy, avec la même capacité à reconnaître les siens que Marie-Georges Buffet et Olivier Besancenot, battus, ont eu en appelant à voter Ségolène Royal. En l'absence de cette recomposition volontaire, venant de l'intérieur, c'est la vie politique française qui se chargera de recomposer de l'extérieur le Front National sans ménagements en réenracinant résolument les électeurs frontistes dans la volonté de participer à la vie gouvernementale.

François Bayrou ou le retour de la IIIème République ?

La révélation de la campagne, la déception de la campagne. Campagne du reste remarquable et qui s'achève dans le discours du soir du premier tour, brillant par ses perspectives, son souffle et son sens politique au-dessus des discours de ses concurrents.

Il était le seul vote utile pour tous ceux qui refusaient et Jean-Marie Le Pen, pour des raisons superficielles ou sérieuses, et Nicolas Sarozy, pour son énergie pour l'instant sans objet. Mais non, les Français bons enfants, après avoir renvoyé balladé les pouvoirs en place pendant des décennies ont cru que les Peyrelevade, Rocard, Kouchner, Sarnez, Morin et autres étaient incapables de se doter d'un Parlement pour gouverner, et qu'il valait mieux que le Parti Socialiste n'implose pas par son élimination au premier tour que la France ne soit pas obligée de voter Nicolas Sarkozy au second tour.

Inconvénient majeur de sa montée en force : le retour naturel du spectre de la IIIème république, cette force centriste incarnée par le radical-socialisme qui oscillait dans ses alliances si bien que tout gouvernement en était paralysé. Aussi doit-on frémir : le vote d'hier a déjà fait gagner Nicolas Sarkozy, il a retardé la défaite du Parti Socialiste et il a propulsé sur le devant de la scène politique l'indécision politique incarnée, en lui donnant un rôle d'arbitre qui sera amplifié par les législatives. Si, comme on peut s'y attendre, la Vème République sarkoziste à la Louis-Philippe obligera à donner plus de pouvoir au Parlement, dans une telle configuration politicienne, c'en est fini de la Vème, et nous revoilà aux belles heures parlementaires des années trente, en attendant que le ciel nous tombe sur la tête.



Voilà en quelques mots les conclusions principales qu'à notre sens, nous pouvons retirer de ce premier tour. Les jeux sont déjà faits, à cause d'un triste vote utile qui, au lieu de nous donner un deuxième tour ouvert, nous livre à Nicolas Sarkozy sans détours. C'est la fin de la parenthèse lepéniste, à cause d'une construction politique qui aura durablement refusé la responsabilité gouvernementale, et qui aura laissé entre le centre-droit sarkoziste et l'extrême-droite, l'espace béant d'une vraie droite française inoccupé pendant des décennies. Enfin, jamais les législatives n'auront été aussi importantes, dans un contexte où les Français aspirent à un régime plus parlementaire pour résoudre la crise et se cachent derrière leur faible abstention pour croire s'être engagés. Mais l'engagement ne finit pas au moment où l'on met un bulletin dans l'urne : il commence quand on se met au service d'un projet de société. Nous espérons que les Français le comprendront urgemment.
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