La droite vote anglo-saxon...

Vous avez dû remarquer comme moi la mention subliminale de plus en plus pressante de journaux anglo-saxons dans tout notre univers culturel. Plus un titre de films d'outre-antlantique n'est traduit, on cherche à entraîner au cinéma les Français par des affiches figurant, à la mode américaine, les recensions par des journaux américains inconnus et presque impossibles à trouver en France, comme si la sacro-sainte langue anglaise avait un pouvoir artistique magique. Eh bien, voilà que la présidentielle se joue à Londres ou à New York. On ne parlera pas de l'union patriotique de Ségo et de Sarko qui voient dans le blairisme "lun des nôtres", selon le beau lapsus de M. Sarkozy, pardon "Mr Sarkozy", puisqu'il paraît qu'il faut changer nos dénominations sur les enveloppes.

Non, on ne parlera que des oracles cherchés dans la presse britannique par le Figaro, qui n'a jamais été aussi orienté, - et du coup aussi intéressant - que depuis qu'il passe sur le voyage de Sarkozy l'Américain à Washington dans le bureau du président de la République Georges W. Bush. Il y a quelques jours seulement, Le Figaro, cherchant manière de trouver encore plus grâce à ses yeux, j'entends "NS", de la "NS TV", est allé cherché adoubement et déclarations du Financial Times, ce journal déclarant que Nicolas Sarkozy, favori des Britanniques, risquait de perdre l'élection à cause de "conflits d'intérêts" entre son poste de ministre de l'Intérieur et sa stature de candidat.

Mais que l'UMP, dont les "T-shirts" de campagne risquent un "I love Sarko", soit associée à l'Angleterre, passe encore. Voilà que notre cher François Bayrou, le Béarnais, l'Européen, le Mousquetaire, propose, dans le texte, un "new deal", au lieu d'utiliser l'expression consacrée "une nouvelle donne", pourtant largement connue du grand public, pour changer la France ! Quelle chance ! Finalement, la plus patriote ne serait-elle pas la "défenseure", selon l'orthographe immonde adoptée par les idéologues, des fromages du Poitou, Ségolène Royal ? Alors là, inutile de chercher vous ne trouverez pas l'affinité éventuelle du nom "Bayrou" avec un nom cajun, ni l'équivalence entre l'anglais et le français de "Nicolas", certes écrit "Nicholas", alias "Nick". Ségo, c'est du 100% Français ! Et "Royal", qu'on le veuille ou non, cela fait plus vieille France que "Elisabeth II", donc pas de risque.

C'est vrai que l'ancien UDF devenu UMP, Jean-Pierre Raffarin, avait montré la voie en déclarant au début de la campagne référendaire sur l'Europe "The yes needs the no to win against the no", sic ! On sait quel succès cette formule a eue aux Guignols... et chez les électeurs français.

Qu'on nous dise qu'il s'agit là d'anglicismes sympathiques, de mots sans enjeux, et je répondrais que les mots portent des réalités culturelles d'autant plus redoutables, qu'ils sont inoffensifs. Penser dans une autre langue, c'est commencer à renoncer à sa culture. Débattre de politique dans une autre langue, c'est renconcer à décider. Je prône la revalorisation des études littéraires francophones comme élément de résolution de la crise politique de notre pays. Sans quoi on fera les choux gras des tristes anti-libéraux de tous poils et on perdra la fierté historique du débat politique français. A tout prendre, je préfèrerai que les politiques courtisent les Arabes, par souci électoraliste, que de lécher les bottes de ceux qu'ils caricaturent pas ailleurs...

Dans le même sens, l'article du Figaro d'aujourd'hui...Les journalistes du Figaro n'arrivent-ils pas à penser par eux-mêmes ou est-ce un façon de critiquer Bayrou sans les reprendre à son compte ?

Citation :

Le site internet de la chaîne de télévision britannique analyse le «phénomène» Bayrou mais reste sceptique quant à ses chances d’accéder au second tour de la présidentielle.


La percée de François Bayrou dans la course à la présidentielle française a traversé la Manche. Le site internet de la BBC se lance à la découverte du candidat de l’UDF, en s’appuyant sur les dernières enquêtes d’opinion qui le placent autour de 17% d’intentions de vote au premier tour. Citant tour à tour Jean-Daniel Lévy de l’institut de sondage CSA, ou l’économiste Nicolas Baverez, le journaliste de la BBC tente d’expliquer sa percée. Parmi les raisons invoquées : les doutes sur la compétence de la candidate socialiste, Ségolène Royal, après ses sorties controversées sur la politique internationale, ou le positionnement de Bayrou en victime des partis traditionnels.


«Le seul sachant traire les vaches et conduire un tracteur»


Autre explication à l’engouement des Français pour la candidature Bayrou, l’apparente proximité du candidat centriste avec la population. «Son origine modeste lui a permis de se rapprocher des électeurs», explique le journaliste. Bayrou rompt avec l’image traditionnelle de l’homme politique. Il est aussi «le seul candidat à la présidentielle française sachant traire les vaches et conduire un tracteur».


Le journaliste de la BBC évoque ensuite les originalités du programme de François Bayrou parmi lesquelles la possibilité de nommer un premier ministre socialiste.


Mais la présence du candidat de l’UDF reste une hypothèse selon la BBC. «Pour l’instant, il est plus probable que les Français aient à choisir au second tour entre les candidats des partis traditionnels à gauche comme à droite». «Mais les électeurs français sont imprévisibles», explique le journaliste, rappelant le second tour de 2002. «Il pourrait donc y avoir un espoir pour le challenger Bayrou».

Je suis vraiment impressionnée par la servilité des média français à l'encontre de la presse anglo-saxonne, qui manifestent par là, certes, leur inféodation culturelle, mais surtout leur incapacité à produire une pensée politique féconde (vous me direz, l'un ne va probablement pas sans l'autre).

La presse politique française est de plus en plus incapable de produire une analyse critique de la campagne.

Soit elle tombe dans l'éloge partisan d'une fadeur sans non, type Figaro, qui n'a même pas la gueule des feuilles de chou de la IIIe République qui, quand elles prenaient parti, le faisaient au moins à grand renfort de style et de mauvaise foi gauloise, soit elle vire dans le psychologisme de bas étage ou la psychanalyse, ou comment tout savoir sur les conflits intérieurs et les problèmes d'autorité de vos candidats favoris (dernier en date, un article du 22 février du Monde sur Ségolène Royal qui fait reposer - comme c'est original on n'y avait pas pensé - son alliance de modernisme féministe et de solidité des valeurs sur la rébellion contre une figure paternelle autoritaire mais néanmoins structurante !)

Et, malheureusement, il faut bien le reconnaître, si vous voulez des analyses intelligentes et un tant soit peu politique, il faut aller les chercher hors de l'hexagone.

Je finirai en passant par préciser que la dite presse étrangère a l'énorme avantage de regarder la réalité en face... Je me rappelle un article de la tribune de Genève en 2002, qui ne voyait pas de quoi s'offusquer au sujet du 2nd tour, qui faisait tout bonnement s'affronter un candidat de centre droit et un candidat de droite...

Etrange paradoxe : on peut espérer que les Français deviennent des lecteurs de plus en plus assidus de la presse étrangère, pour les sortir de la vacuité nationale, et revenir plus lucide vers une politique française qui ait un peu plus de sens !

Pour aller dans le même sens, allez voir sur le site sarkozy.fr. C'est effrayant : si vous cliquez dans la rubrique "Presse", et "téléchargements", au lieu d'avoir comme dans n'importe quel site politique français, les passages dans les media (télévision et radio), vous n'avez qu'un seul document : le discours du 14 janvier à l'investiture par l'UMP...traduit en anglais ! et même pas en français...

D'aucuns vont dire que je ne vois pas que l'UMP fait un travail en direction de l'international, pour donner une stature à leur candidat dans la presse étrangère. Non : car dans ce cas, pourquoi ne pas traduire en allemand ? pourquoi pas en espagnol ? Non, Nicolas Sarkozy et son parti ne sont pas intéressés à ce qu'on puisse télécharger son discours en français, mais en anglais, pour la presse anglo-saxone qu'ils affectionnent tant, et dont ils cherchent avec anxiété l'adoubement, tant ils ont mauvaise conscience secrète à risquer quelques fois leurs idées libérales en France. Voilà pourquoi ils cherchent à force de "débats sans tabous" à davantage s'enivrer de courage qu'à convaincre les citoyens...bien français, eux ! C'est effrayant...

http://www.sarkozy.fr/press/index.php?lang=fr&cat_id=3

Citation :

My dear friends,

Each of you understands the importance of this moment for France, for the future of each of your families, and for me. More than anything else, I am surrounded by a profound emotion. I could try and qualify this feeling, try and express it in a word, try and say thank you but thank you does not do justice to the overwhelming passion that I am experiencing in this moment. There are some feelings too strong to be captured in words. Some feelings are so strong that we can not name them.

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