L'abolition de la circoncision par Moïse est un fait peu connu. Il est pourtant historiquement indéniable puisque la coutume ne fut remise en vigueur qu'après sa mort, à Gilgal, et que lorsque la Bible parle de recirconcision à cette occasion, c’est tout simplement parce que la première était la circoncision mosaïque : la circoncision du cœur. De plus, le livre de l'Exode conte que la circoncision du fils de Séphora fut opérée contre la volonté de son père :
"Pendant ce voyage, il (Moïse) s'arrêta dans une hôtellerie ; le Seigneur l'aborda et voulut le faire mourir (s'il ne faisait pas circoncire son fils). Séphora saisit un morceau de silex, retrancha l'excroissance de son fils et la jeta à ses pieds (du Seigneur) en disant (à son fils et à son mari) : "Est-ce par le sang que nous sommes unis ?" Le Seigneur le laissa (Moïse) en repos. Elle dit alors: "C'est par le sang que nous sommes unis, à cause de cette circoncision." (Exode, 4 : 24-26, rabbinat français. Paris: Les éditions Colbo ; 1966)
Ces versets montrent que le pharaon (Adonaï, le Seigneur) essayait de garder le contrôle des fugitifs et d'assurer son pouvoir par la circoncision. Séphora sauva la vie de Moïse en circoncisant son fils mais, folle de rage, elle réconforta son fils et son époux en bravant le pharaon par un geste insultant et une parole qui narguait l'intention des circonciseurs : soumettre l'enfant en le séparant de ses parents. Cette parole fit de cette circoncision une alliance contre pharaon et la circoncision. Mais le massacre du prépuce du fils de Moïse traumatisa l'enfant à tel point que, quarante ans plus tard, il ordonna le crime collectif à Gilgal, prélude direct au premier génocide de l'histoire : Jéricho. Car Moïse savait ce qu'il faisait en refusant la circoncision :
"La durée de notre voyage… avait été de 38 ans. A cette époque, toute la génération guerrière avait disparu… " (Deutéronome, 4 : 14, rabbinat français)
Le premier commandement dans le livre de l'Exode condamne la circoncision
Le souci de désapprouver la circoncision forcée de son fils fut vivement présent dans la pensée de l'auteur des Dix Commandements ; ce fut un père humilié, blessé dans la chair de sa chair et dans sa dignité, qui prononça solennellement devant le peuple réuni le premier grand discours juridique de l'histoire : la première déclaration des devoirs et droits de l'homme, à valeur universelle, base de tous les systèmes juridiques modernes (*). Abolissant la loi d'Abraham de soumission par la terreur, la nouvelle alliance respecte le corps humain : "Tu ne tueras pas." Moïse condamne ainsi la circoncision dès le premier commandement :
"Tu ne te feras point d'idole, ni une image quelconque de ce qui est… en bas sur la "terre." (Exode, 20 : 5, rabbinat français)
Car en faisant du phallus un fétiche et une idole, la circoncision réalise une image indécente sur le corps de l'homme. Adorateurs du phallus, les Égyptiens la pratiquaient et l'avaient imposée aux Juifs en signe d'esclavage. Ayant réussi à libérer les Juifs, Moïse ne pouvait tolérer que certains perpétuent la coutume aussi barbare que païenne, sacrifice humain et sanglant hommage au polythéisme, aux divinités archaïques, telluriques, de fertilité et de procréation. Il dénonce les versets 17-5 à 17-12 de la Genèse. Mahomet en fera autant dans les versets 2 : 124 et 4 : 118-119 du Coran. Un "dieu jaloux" ne peut admettre la divinisation du phallus :
"Car moi, l'Éternel, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, qui poursuis le crime des pères sur (commis sur) les enfants (banim, pluriel de ben) signifie habituellement "fils") jusqu'à la troisième et quatrième génération (grands-pères et arrière-grand-"pères, plus avant c'est impossible)" (Exode, 20 : 5, rabbinat français)
Un Dieu jaloux l'est aussi de sa propre création et ne peut pas supporter son altération ; le "crime des pères sur les fils" est la circoncision que Moïse qualifie délibérément de crime. En effet, s'il s'agissait de condamner la criminalité ordinaire, l'idée d'un Dieu injuste, qui punirait les enfants irresponsables des crimes des pères, est insupportable. De plus, dans cette hypothèse, pourquoi devrait-il être question d'un seul crime et pourquoi la vengeance s'arrêterait-elle à la quatrième génération (la folie d'Hitler a sinistrement copié sur les rabbins, et amplifié, cette interprétation) ?
Malgré cela, pour exclure le double sens qui abolit la circoncision, les traducteurs du rabbinat français ont traduit "banim" par "enfants" – traduction rare mais possible dans certains contextes – plutôt que "fils". Or l'existence du double sens est grammaticalement incontestable ; en hébreu comme en anglais ou en français, "fils" peut être complément indirect de "poursuis" aussi bien que de "crime". De plus, la traduction du rabbinat est grammaticalement peu correcte ; on ne poursuit pas un crime mais une personne de sorte que selon l'interprétation des rabbins, le texte mosaïque aurait dû dire :
"… qui poursuis les fils jusqu'à la troisième et quatrième génération pour le crime des "pères… "
Cependant, lorsqu'il dicte ses Commandements à son peuple, l'Éternel ne s'amuse pas à des double sens. Ici au Sinaï, le contexte historique est celui de l'abandon de la circoncision jusqu'à Gilgal. En conséquence, seule la mauvaise foi des fanatiques de la circoncision a pu tirer le texte dans un contresens que personne n'aurait jamais dû aller imaginer. Car pour dissimuler le véritable sens du premier commandement et rétablir la circoncision, la traduction rabbinique a défiguré le texte hébraïque. La dénaturation du texte sacré et la manipulation des fidèles sont flagrantes et, de la part de législateurs, qualifiables du crime d'atteinte à la confiance publique. La seule circonstance atténuante est un déni pathologique de la réalité du sens du Premier Commandement, dû à une foi aveugle dans le commandement d'Abraham et au profond traumatisme psychologique qu'il provoque, auquel il est effectivement grand temps de mettre fin.
Notre interprétation est enfin fortement renforcée par le verset suivant, quelques lignes seulement plus loin :
"Si toutefois tu m'ériges un autel de pierres, ne le construis pas en pierres de taille car, "en les touchant avec le fer, tu les as rendues profanes." (20 : 22, rabbinat français)
Moïse illustre par cette image que la coutume païenne désacralise le corps de l'homme en offensant Dieu.
Le premier commandement de Moïse abolit celui d'Abraham.
Le Deutéronome aussi exclut la circoncision
L'exégèse moderne 1 estime que le Deutéronome fut écrit sous la direction de Moïse avec une grande unité de style (à la différence des autres livres de la Bible). Il ne condamne pas explicitement la circoncision ; il se contente de ne pas en dire un seul mot et, contrairement aux autres livres de la Thora, il ne parle pas d'exclure les "non circoncis" du temple et du repas de Pâques. Par contre, il insiste sur le fait que la seule condition de la nouvelle alliance est le respect des Dix Commandements. Enfin, en les introduisant (*), il prend soin de dire :
"Tout ce que je vous prescris, observez-le exactement, sans rien y ajouter,... " (13 : 1, rabbinat français)
Nous sommes en présence du Commandement Préliminaire, celui qui interdit tout ce qui ne figure pas dans les suivants, et donc la circoncision.
Le Deutéronome parle par la suite à treize reprises (4 : 5, 4 : 8, 4 : 14, 4 : 45, 5 : 7, 5 : 31, 6 : 1, 6 : 20, 7 : 11, 7 : 12, 8 : 11, 11 : 1) des "lois et des règles… " (4 : 1, Rabbinat français) qu'il préconise mais la circoncision n'y figure pas plus que dans les Dix Commandements. Elle ne figure pas non plus dans les règlements des versets 12 : 1 à 27 : 26. C'est d'ailleurs dans ces mêmes règles qu'il recommande, non sans humour :
"Tu te feras des glands aux quatre coins de la couverture dont tu te couvriras." (22 : 12, Bible œcuménique)
Dans les règles qui suivent, d'une part Moïse exclut les signes physiques distinctifs ; la consécration du peuple juif à la divinité ne l'autorise pas à se distinguer par des signes extérieurs grossiers :
"Vous êtes les enfants de l'Éternel, votre Dieu : ne vous tailladez point le corps, ne vous rasez pas entre les yeux, en l'honneur d'un mort. Car tu es un peuple consacré à l'Éternel, ton Dieu, et c'est toi qu'il a choisi, l'Éternel, pour lui être un peuple spécial entre tous les peuples répandus sur la terre." (14 : 1, rabbinat français),
d'autre part il montre sa défiance envers les derniers survivants (circoncis) de la vieille génération belliqueuse :
"Celui qui a les génitoires écrasées ou mutilées ne sera point admis dans l'assemblée "du seigneur." (23 : 2, rabbinat français)
Pour signifier l'abolition de la loi d'Abraham, il précise :
"Ce n'est pas avec nos pères que l'Éternel a contracté cette alliance, c'est avec nous-mêmes, nous qui sommes ici aujourd'hui, tous vivants." (5 : 3, rabbinat français)
Il n'ignore pas l'ancienne Alliance :
"… il n'oubliera point l'alliance de tes pères… " (4 : 31, rabbinat, français)
mais il semble se référer à la version du chapitre 15 de la Genèse, qui ne mentionne pas la circoncision, plutôt qu'à celle du chapitre 17.
Moïse explicite ensuite la grande différence de nature entre les deux lois, différence qui condamne l'Alliance abrahamique par la soumission :
"C'est face à face que l'Éternel vous parla... " (5 : 4, rabbinat français),
alors qu'Abraham avait gardé la face contre terre, la nouvelle Alliance est un véritable pacte d'égal à égal, dans lequel Moïse a obtenu de pharaon l'abolition de la circoncision :
"Et maintenant, ô Israël, ce que l'Éternel, ton Dieu, te demande uniquement, c'est de "
révérer l'Éternel, ton Dieu, de suivre en tout ses voies, de l'aimer, de le servir de tout ton cœur et de toute ton âme, en observant les préceptes et les lois du Seigneur que je t'impose aujourd'hui, pour devenir heureux." (10 : 12-13, rabbinat français)
Les deux Alliances sont incompatibles.
Par contre Moïse prescrit la circoncision "du cœur" :
"Circoncisez donc votre cœur, ne raidissez plus votre nuque." (10 : 16, rabbinat français)
Invitant les Hébreux à se relaxer, Moïse souligne un symptôme typiquement obsessionnel, signe de fierté, certes mais aussi de détresse émotionnelle, d'une crainte de la décapitation, de la castration totale, de l'impuissance.
Cette "circoncision" est concédée par Dieu comme une grâce :
"Et l'Éternel, ton Dieu, circoncira ton cœur et celui de ta postérité pour que tu aimes "l'Éternel, ton Dieu, de tout ton cœur et de toute ton âme, et assures ton existence." (30 : 6, rabbinat français)
La mention de la descendance, référence à l'Alliance avec Abraham, est significative du remplacement de la circoncision du corps par celle du cœur.
En faisant du respect de la loi naturelle la seule exigence du pacte avec la divinité, Moïse a aboli la circoncision. L'époux de Séphora la bédouine maintint son peuple dans le désert pendant quarante ans. Il aimait la vie des nomades. Il est aussi vraisemblable que l'auteur des dix commandements répugnait au génocide impliqué par l'installation en Canaan.
Pour conclure ce rappel biblique, Dieu ne peut pas à la fois avoir fois ordonné la circoncision à Abraham et accepté de la condamner vis-à-vis de Moïse. Comme nous l'a révélé "Les secrets de l'Exode", le livre de Messod et Roger Sabbah, le dieu en question ne pouvait être que le pharaon égyptien, homme divinisé, puis un de ses successeurs pour la deuxième Alliance. L'archéologue Madame Desroches-Noblecourt vient d'apporter un fleuve à la thèse des frères Sabbah : on a retrouvé une transcription des dix commandements dans un tombeau de l'époque des pyramides 2. Serait-ce la tombe du pharaon Moïse, Ramsès Ier, Ra-Mesou (Mesou pour Moïse), selon les explications des frères Sabbah ?
Notre restitution du sens profond de la deuxième alliance, alliance par la parole, situe la chrétienté dans le droit fil de la tradition du judaïsme authentique, modéré, adversaire et martyre de l'extrême-droite lévitique. Cette dernière tolère les philosophes (Spinoza, Marx, Freud), elle massacre les leaders religieux ou politiques (Moïse, Jean-Baptiste, Jésus, Rabin).
(*) Moïse fut aussi le fondateur d'un des tout premiers systèmes juridictionnels à deux échelons.
1 cf. l'article "Bible" de l'Encyclopaedia Britannica
(*) Un Onzième commandement synthétise les premiers : "Tu aimeras l'Eternel ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir." (6 : 5, rabbinat français). Jésus-Christ n'a fait que l'interpréter de façon extensive en recommandant : "Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
2 Figaro Magazine. 13 mai 2005, n° 18902.