Nous ne pouvons que nous réjouir qu'un institut de sondage ait osé le sondage le plus iconoclaste -rendez-vous compte !- de la campagne en demandant pour qui voteraient les électeurs si Bayrou se trouvait au second tour soit en face de Nicolas Sarkozy soit en face de Ségolène Royal. M. Bayrou l'emporterait dans les deux cas.
Surtout, ne pas déduire que ce sondage est fiable ! Il veut simplement dire que la bulle médiatique autour de "Ségo-Sarko" explose peu à peu pour être remplacé par une bulle où serait présent M.Bayrou. En effet, ce sondage montre à quel point les media sont obsédés non par le débat, son rythme, son sens, les programmes des candidats, les visions de la France, mais par une culture du résultat, celle de l'élection, celle de leur tirage. La culture politique étant de moins en moins fondée sur des valeurs, il n'y a plus ce socle de culture exigeante qui poussait les media français d'autre fois à pouvoir rechercher le tirage et le chiffre d'affaires en assurant un minimum de réflexion et d'idées politiques.
Marianne a publié un excellent article il y a quelques jours sur la vanité des votes de second tour, qui détruisaient le suspense. Quel ne serait-il pas si en effet, nous nous intéressions d'abord au 1er tour, rien qu'à lui ? Alors, on verrait le spectre des candidats, alors, on aurait vu que sur les 22 sondages qui donnaient Mme Royal perdante au second tour, les premiers la donnaient encore gagnante au premier tour...
Dans cette affaire, d'ailleurs, nul ne se demande, en fait, nul ose faire un sondage si Le Pen se trouvait au second tour contre Mme Royal ou M. Sarkozy...Tant il est vrai que les media n'ont pas le courage de tirer les leçons du passé, et de faire preuve d'un minimum d'honnêteté.
Je prône l'interdiction par la loi de sondages au second tour de l'élection présidentielle, de même que le secret du vote des élus lors du parrainage des maires. A l'inverse, il faut garder le scrutin majoritaire aux élections législatives, pour voir se dessiner des vraies majorités. Si on réalise ces ajustements dans cet état d'esprit, alors la présidentielle redevient ce qu'elle était, l'occasion honnête d'un débat de type proportionnel, sans porter préjudice au besoin d'un appareil exécutif fort. Mais de grâce, ne transposons pas au niveau présidentiel les rouleaux compresseurs de la législative, où c'est le pays qui va devenir révolutionnaire, en voyant que le débat est impossible par les moyens normaux d'un peuple civilisé.