Hallucinante polémique sur la Chapelle Royale de Versailles

On pouvait lire ceci sur le site du Nouvel Obs aujourd'hui :

Citation :

"Des traditionalistes gâchent
la Nuit Blanche

NOUVELOBS.COM | 08.10.06 | 16:08

Un groupe de manifestants protestait contre une exposition de robes de mariées signées Christian Lacroix à la Chapelle royale du château de Versailles. Une garde à vue.

U n jeune catholique traditionaliste a été placé en garde à vue dimanche 8 octobre après avoir blessé une employée du château de Versailles au cours d'incidents durant la Nuit blanche pendant laquelle le château avait été mis en valeur par une kyrielle d'artistes, plasticiens, architectes, DJ, parfumeurs, chefs ou designers.
Le jeune homme d'une vingtaine d'année a voulu s'introduire dans le château en début de soirée avec un groupe de catholiques traditionalistes pour protester contre une exposition de robes de mariées signées Christian Lacroix à la Chapelle royale.
Au moment où une employée fermait les grilles du château, le jeune homme l'a bousculée et celle-ci s'est blessée légèrement en tombant.
Devant le nombre élevé de manifestants ayant réussi à entrer dans le château, la direction du lieu a finalement préféré interdire l'accès à la chapelle afin de préserver les robes du couturier, au grand désarroi de milliers de personnes.

"Dérive de plus en plus fréquente"

Christophe Girard, adjoint (PS) au maire de Paris Bertrand Delanoë et "père" de la "Nuit blanche", a protesté dimanche contre ces "agressions exercées par une minorité religieuse.



"Il est inacceptable qu'une minorité entrave ainsi le fonctionnement d'un lieu de culture public, de surcroît financé par l'Etat", a déclaré Christophe Girard.
Il a déploré que "cette atteinte à la liberté des publics, des artistes, des auteurs par des fanatiques religieux" soit "une dérive de plus en plus fréquente dans notre pays".
Soulignant que "ces fanatiques, ennemis de la démocratie et de la République, ont empêché le public de découvrir" les oeuvres de Christian Lacroix, mais aussi de la plasticienne Natacha Lesueur, Christophe Girard a fait part de son "soutien à Christine Albanel, la présidente du château de Versailles, à Laurent Lebon, commissaire de la manifestation, au personnel blessé et aux artistes censurés".

Polémique

L'exposition de Christian Lacroix est au coeur d'une polémique, le maire de la ville Etienne Pinte (UMP) et l'évêque de Versailles Mgr Eric Aumonier, ayant indiqué publiquement leur opposition à l'événement. Les deux hommes ont estimé que l'exposition portait préjudice au caractère cultuel de la chapelle.
Christine Albanel, la présidente de l'établissement public de Versailles, leur a répondu qu'"il n'y a là aucune atteinte au respect de la religion".

Imaginez un seul instant, je ne dis pas qu'on mette les oeuvres d'art ici concernées, mais uniquement les artistes dans une mosquée une nuit blanche, vous pensez au tollé ? Heureusement que des catholiques et des musulmans sont prêts encore à défendre leur droit à honorer leur Dieu dans leurs lieux de culte encore consacrés ! Ce n'est pas une question de royalisme ou de catholicisme, c'est une question de respect.

En revanche, cela montre très bien la façon dont l'Etat considère la propriété qu'il a des lieux de culte : je crois que les catholiques ont intérêt à mettre de l'argent de côté pour racheter leurs lieux de culte...

Mistral

Allons, nombre de lieux de cultes catholiques sont ouverts à des expositions publiques qui ont, et c'est normal, un rapport avec le sacré chrétien. L'exposition de Delacroix, en ce qu'elle met en scène des robes de mariées, ne porte pas préjudice, il me semble, au caractère sacré de l'endroit. Du temps qu'il est rappelé aux visiteurs à l'entrée de cette exposition qu'ils sont dans un lieu de culte digne de respect, je ne vois pas d'objection majeurs à cette manifestation. En tant que catholique, je trouve même réjouissant que des non-chrétiens entrent dans une chapelle avec en face d'eux des robes de mariées, ce qui peut éventuellement les pousser à s'interroger sur le sens chrétien du mariage. L'évèque de Versailles au lieu de s'opposer frontalement aurait pu exploiter cette opportunité pour essayer deplacer dans cette expo des panneaux sur pourquoi le mariage, qu'est ce que c'est pour qu'on en face de telles robes à son occasion, enfin quelque chose d'un peu fin. Peu m'importe que les mosquées ne soient pas sollicitées pour ce genre de manifestations, ou que les musulmans s'opposent éventuellement à de telles expositions (d'ailleurs qu'en savont nous), il me semble que les catholiques doivent avoir une certaine ouverture d'esprit, ce n'est même pas une quelconque entorse au catholicisme cette expo. Replaçons les vrais problèmes là où ils sont.

Par ailleurs les fanatiques catholiques sont insupportables et détestables. Ils pensent tellement posséder la vérité absolue et révélée, qu'ils font du moindre combat une croisade. J'aimerais voir une photo, mais j'imagine bien le jeune interpellé avec rangeot, cape noir, chech, habitant Versailles et votant le Pen.

Je m'en fiche mais alors complètement que ce soient des gars en rangeots et qui votent Le Pen qui ont fait cela, d'autant que le mot "intégristes" mobilisé par Libération et Nouvel Obs (comme par hasard) me semble pervertir une réalité, puisque, en l'occurence, ce ne sont pas spécialement des catholiques traditionnalistes mais bien l'ensemble de la ville de Versailles, évêque, maire, et catholiques de tous bords qui se sont indignés par l'initiative. Un tel coup de main n'aurait pu être osé sans ce contexte. Le prospectus de l'exposition d'ailleurs est sans équivoque :

Citation :

la chapelle royale sera transformée en lieu pour

"Artifices et sacrifices, magie noire et mariage blanc, cris et chuchotements, parures et apparitions, parades et apparat, châsses et icones, pompes et circonstances, images et pilgrimages, sacres et simulacres".

Si on n'est pas catholique, évidemment c'est plutôt excitant : on manipule des contraires, on file les antithèses, on fait de l'art du paradoxe,de l'instabilité, de l'interrogation existentialiste. En revanche, pour qui croit dans la sainteté du mariage comme un catholique est sensé y croire, ce n'est pas en faisant les jésuites jusqu'au bout des ongles qu'on arrivera à sauver des eaux une telle exposition, en en tirant prétexte pour parler de la famille, des relations conjugales, matrimoniales, etc. dans un esprit même indirectement chrétien.

Il s'agissait bel et bien comme souvent dans l'art contemporain de tirer d'autant plus de jouissance de la contemplation esthétique que l'on double le plaisir d'une révolte et d'une profanation d'un tabou : et comme par hasard, quand on veut assouvir un tabou en France et profaner encore quelque chose qui reste debout des interdits qui n'ont pas été balayés par mai 1968, c'est dans le catholicisme. Par exemple, les homosexuels d'Act Up qui ont fait irruption à Notre Dame n'ont pas eu de difficulté à n'être même pas poursuivis, alors qu'ils faisaient irruption dans un lieu qui n'était pas celui de leur foi. Quand ce sont des catholiques qui cherchent à pénétrer dans leur maison, en revanche, ce sont des perturbateurs, des facistes, des intérgristes, que dis-je, oh mon Dieu, des LEPENISTES !

Vraiment ? Cessez le ridicule.

Par ailleurs, quelle que soit l'intelligence de l'évêque de Versailles, et sa supposée sottise à ne pas exploiter l'événement dans le sens du mariage chrétien, il n'y a aucune hésitation à condamner cette exposition quand on sait qu'elle allait de pair avec l'impossibilité pour les fidèles d'assister à la messe le dimanche, le lendemain même. Peu importe de faire de l'évangélisation de bons sentiments avec des robes qui exaltent la magie noire, si on n'a pas la messe simple et de bon aloi du dimanche. Et qu'on n'aille pas me dire qu'on aurait pu composer avec le dimanche, et reporter la messe dominicale à...Non. Mais cela, on ne le comprend que lorsqu'on a le minimum de sens du sacré ! Ou lorsque l'on parle d'une mosquée. Alors de grâce donnez à tous les hommes de foi de toutes les religions la paix et la joie de pouvoir accéder à leurs lieux de culte et de sortir, oui, avouons-le, effectivement, de sortir péniblement il est vrai de leur obscurantisme religieux et de leur fanatisme patent à vouloir permettre à leur Dieu de pouvoir habiter sa maison le jour qui lui est réservé.

Amen !

Merci beaucoup pour ce message...

Une question: je me demande vraiment qui se cache derrière ce beau pseudo de "mistral"...

O emule du Félibrige, réponds moi donc par message privé... !

Alexis.

Pourquoi est-ce que j'aurai à dévoiler mon identité, Alexis ? Ma prise de position, du reste, permets-moi ce jeu de mots, ne se veut pas "identitaire". Je cherche à m'interroger sur la possibilité aujourd'hui de parler en termes universellement et rationnellement respectueux, donc acceptables par tous, du catholicisme en France.
Ce qui n'est pas évident, c'est d'arriver à parler d'une religion en considérant son message, tout en ne parlant d'elle que comme une religion parmi d'autres. Ce cas est pour moi très intéressant, comme dans le cas de la profanation de Notre Dame de Paris. On peut parler de "profanation" et de "problème" et d'une relation psychanalyste de la culture telle qu'elle est financée par la république, à ses origines - le christianisme, avec lequel la France est née et a vécu pendant deux millénaires.

La chance, d'une certaine façon, de l'Islam en France, c'est que nous pouvons commencer à redécouvrir la réalité du respect dû à toute religion. En effet, les musulmans n'hésitent pas un seconde à défendre leur Dieu. Il ne viendrait à l'idée de personne de détester Franck Ribéry parce qu'il fait des signes de prière musulmane sur le terrain de football. E t c'est justice. Mais qu'on aille recruter un joueur notoirement catholique dans l'équipe de France, qui, sans aucun réflexe identitaire, mais par foi, ferait le signe de croix sur le terrain de football, et je doute sincèrement que cet homme n'aurait pas les media aux fesses. Vous comprenez, qu'un Français se convertisse à l'Islam et fasse partie de l'équipe de France, c'est de l'intégration. Moi, je crois beaucoup plus, dans une république laïque, à l'intégration sociologique de gens comme Zidane ou Vieira, qu'à l'intégration par la religion, signifiée par la conversion à l'Islam de Ribéry, en faveur des immigrés souvent pauvres et souvent musulmans.
Mais qu'un catholique soit fier de sa foi, c'est de l'intégrisme. On croit vraiment rêver. Il me semble pitoyable que les catholiques français soient souvent aussi mous devant la culture irrespectueuse qu'ils laissent se construire sous leurs yeux.

En fait, à la lumière du raisonnement respectueux que nous ferions pour la religion musulmane, une fois le constat établi que cet incident est une affaire plus que malheureuse et une tâche sur le respect de la foi quelle que soit par la République, je crois que le problème essentiel posé par cette affaire est à mon sens presque ailleurs.

En effet, à partir du moment où les lieux de culte appartiennent à l'Etat, comment un Etat si affranchi de la religion dont il détient les lieux de culte ne pourrait-il pas être amené, en toute bonne foi, à organiser des manifestations décalées par rapport à l'objet du lieu de culte ? Je crois que cette question est d'autant plus importante que le patrimoine religieux est le premier patrimoine culturel en France. Or, plus la société française s'éloigne de la religion, et plus simplement, de la pensée chrétienne, plus la question va se poser de l'usage probablement a-religieux, voire inconsciemment provocateur, des lieux de culte. Je crois que le catholicisme français, endormi dans les vapeurs d'une révolution spirituelle moribonde et d'une évangélisation cache-misère du manque de foi, ne préparent pas leur avenir en n'affrontant pas cette question directement : la propriété des lieux de culte est une question majeure de l'avenir des religions en France. Or, défendre la sainteté des lieux de culte est la première condition de toute foi avant tout discours évangélisateur.